Grosso modo, cet entretien révèle que Blanchard et Aghion sont, comme la plupart de leurs collègues, d'accord sur les points suivants :
1/ il faut réformer le marché du travail en introduisant une dose de flexibilité ;
2/ compte tenu du niveau de la dette, il n'est pas opportun de baisser les prélèvements obligatoires ;
3/ il faut maintenir le principe de la redistribution.
Au-delà de ces trois points, il est hautement probable qu'Aghion et Blanchard soient également d'accord pour dire :
1/ qu'il faut introduire davantage de concurrence sur le marché des biens et services (suppression des lois Galland, Royer et Raffarin, en particulier) ;
2/ qu'il faut réformer en profondeur l'enseignement supérieur pour le rendre compétitif sur le plan international.
Au total, l'interview produit un malaise évident : on sent bien que l'un et l'autre sont d'accord sur l'essentiel, mais qu'ils cherchent à tout prix à justifier la cohérence de leurs prises de position respectives, à coup :
- d'interprétations pour le moins « héroïques » des propositions économiques de leur candidat(e) préféré(e) : où dans le programme de Ségolène est-il écrit qu'elle s'inspirera de la flexicurité danoise ? où dans le programme de Sarkozy est-il écrit qu'il maintiendra le même niveau de redistribution ? Le comble étant atteint lorsque, à la question du journaliste qui lui rappelle que le programme de Sarkozy ne mentionne nulle part l'idée d'une taxe sur les licenciements, Blanchard répond presque candidement : « c'est vrai, mais je sais qu'il n'y est pas hostile ». Et le citoyen lambda ? Est-il censé le savoir également ?
- d'omissions volontaires sur les aspects positifs des propositions du candidat adverse et, a fortiori, sur les aspects potentiellement « gênants » du programme du candidat soutenu : Aghion ne dit rien sur le contrat unique ; Blanchard est vraiment en position délicate lorsqu'il faut parler du programme fiscal de Sarkozy.